Home > Interviews

Sylvia Maertens


Pilote au féminin



1ère femme commandant de bord


Son interview


1. Bonjour Sylvia, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes

Je m'appelle Sylvia Maertens, je suis belge de souche depuis plusieurs générations. Mes parents sont coiffeurs et parents de trois enfants dont je suis l'ainée.
L'aviation n'a jamais été une passion puisqu'avec mes parents nous partions en vacances en camionnette et en camping. Je n'ai donc jamais pris l'avion durant mon enfance.

 

2. Racontez-nous votre parcours professionnel ?

Un ami de mes parents était directeur technique au sein de la compagnie nationale Sabena. Et en fin d'année scolaire de rhétorique ( l'équivalent de l'année du BAC en France), j'ai pu visiter le site. Et c'est ainsi j'ai été mise en présence de mon premier avion.

Et pas n'importe lequel ! Un Boeing 747 !
Il était dans le hangar pour raison technique et j'ai donc pu le visiter. Je me suis installée aux commandes et ma première question a été : "et moi, j'ai le droit de piloter cet appareil?".


J'ai eu beaucoup de chance d'avoir des parents très compréhensifs et qui m'ont toujours soutenue dans mes choix.
J'ai donc pu faire un stage de vol à voile pour enfin connaître les joies du vol.

Mes parents m'ont aidée financièrement pour l'acquisition de ma licence de pilote privé.
J'ai ensuite travaillé comme femme de ménage, cuistot dans un fast Food, secrétaire et employée de caisse dans un supermarché afin de payer ma licence professionnelle de pilote.

Sur le côté, j'ai fait aussi le concours d'entrée à l'école d'aviation de la Sabena. Ce qui m'a permit d'acquérir 150hrs supplémentaires à celles que je possédais déjà,
En pleine récession, en 1994, le hasard a voulu que mon père coiffait un pilote de ligne qui travaillait pour Euro Belgian Airlines ( E.B.A.) très tôt en matinée, et il l'informe que la compagnie fait une sélection pour des copilotes Ab-initio ce jour même  ( c.-à-d. des pilotes possédant une licence de pilote professionnel IFR, mais n'ayant pas de qualification sur avion de ligne).

J'ai donc fais la route vers l'aéroport avec ma maman ( je ne possédais pas de voiture) afin de déposer mon CV sur le bureau du chef pilote.
Ensuite j'ai attendu dans le couloir sa venue et l'ouverture de la sélection.

Nous étions 400 candidats et seulement 4 élus.

J'étais la première femme à accéder à cette fonction dans cette toute jeune compagnie.

Avec seulement 400 heures à mon actif, j'ai pu donc accéder à cette qualification tant convoitée de copilote sur Boeing 737.
Quatre ans plus tard, je suis devenue la première commandante sur ce même appareil chez Virgin Express qui avait racheté E.B.A.
Je me suis aussi beaucoup impliquée dans la défense des droits des pilotes de lignes en devenant la Présidente pour la section Virgin Express au sein de la BeCA : Belgian Cockpit Association.

J'ai mené plusieurs actions afin d'améliorer les conditions de travail et les salaires au sein de ma compagnie.
Malheureusement, être en première ligne m'a énormément coûté. On m'a retiré mon poste de commandant et j'ai été rétrogradée comme copilote. Raison officielle : manque de CRM. Ceci est arrivé juste après la faillite de la Sabena en 2002 et après le traumatisme de 2001.Personne n'a pris ma défense officiellement.

 

3. Quels sont vos prochains challenges ?

Les années ont passées et après la fusion entre ma compagnie et SNBrussels Airlines pour devenir Brussels Airlines, je suis passée copilote sur le secteur long courrier sur l'Airbus A330.

En ce début d'année, grâce à mon ancienneté de 20 ans, j'étais en première ligne pour un des 6 postes de commandant sur l'Airbus A319 ( secteur moyen courrier).
Me voilà depuis ce vendredi 13 mars commandant de bord ! 
C'était donc mon challenge de cette année. Cinquante neuf jours de formations et d'examens pour accéder à cette fonction.

 

4. En vous lisant on a l’impression que vous avez fait cela avec une grande décontraction, comment faites-vous ?

Cette profession est majoritairement masculine. Quand j'ai commencé ma carrière, mon premier vol lâché a été très marquant pour la suite de ma carrière, puisque le commandant m'a dit, avant de commencer notre prestation de 10 heures, que pour lui une femme devait être dans sa cuisine à s'occuper de ses enfants !

Il est donc primordial pour les femmes de rester sereine et de continuer leur route malgré toutes ces remarques machistes.
Mais ma nature a vite repris le dessus. Et je me suis engagée à la défense de tous, à défaut de défendre seulement les femmes pilotes. L'injustice m'a toujours révoltée.

 

5. Est ce difficile d’être accepté dans ce métier plutôt masculin, comment faites-vous ?

Début des années nonantes, nous étions très peu de femmes aux commandes des avions de lignes. Aujourd'hui, nous voyons de plus en plus de jeunes femmes accéder à ce métier.
Mais il ne faut pas oublier que les instructeurs et examinateurs sont majoritairement des hommes.
En 2013, sur 477 pilotes dans la compagnie on ne comptait que 53 femmes.

Pour être acceptée, il faut non seulement prouver que nous sommes capables de voler mais aussi d'être meilleures. On nous ne pardonne aucune erreur.
Mais c'est le cas dans tous les métiers où les hommes sont au pouvoir, non ?

 

6. On compare souvent le business au pilotage d’un avion (regardez la structure de nos newsletters ! ) Quels conseils pourriez-vous donner aux entrepreneurs que nous sommes ?

Pour piloter un avion, il faut non seulement connaître sa machine, mais il faut surtout savoir mener une équipe. Savoir travailler en équipe tout en étant le leader. Pouvoir tirer le meilleur de chacun pour les mener à bon port.

 






 

Recevez nos newsletters