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le 14-05-2015

L’éolien et le solaire dans les mix électriques des pays développés seront-ils bientôt rentables?

L’éolien et le solaire dans les mix électriques des pays développés seront-ils bientôt rentables?

 

20% de l’électricité produite en Allemagne, 5% en France,comment le photovoltaïque et l’éolien se sont-ils approchés d’une rentabilité commerciale?

Autrefois, le photovoltaïque était très cher, donc réservé à des applications comme les satellites. Progressivement, l’essor technique, en particulier dans les semi-conducteurs, a permis de disposer de quantités toujours croissantes de matière première à des prix de plus en plus abordables. Puis on a eu recours à des ressources hors silicium, des alliages de métaux optimisés pour récupérer l’effet photoélectrique. La vague photovoltaïque a commencé vers 1995 et l’Allemagne était en tête, car après la catastrophe de Tchernobyl en avril 1986, un mouvement d’opposition y a vu le jour contre l’énergie nucléaire. Simultanément, la perception du risque climatique augmentait, avec la fondation du GIEC. Et à la fin des années 80, si on souhaitait réduire la part du nucléaire et des énergies thermiques, le renouvelable s’imposait. L’Allemagne et le Danemark ont joué des rôles de leader en installant des éoliennes et des panneaux photovoltaïques en quantités significatives ; l’acquisition d’un savoir-faire et la production en série des composants ont entraîné une baisse des prix des équipements, notamment quand la Chine est entrée dans le jeu.

La rentabilité dépend maintenant du prix que le consommateur est prêt à payer pour ces énergies, en comparaison avec le coût de production du kWh à partir des sources conventionnelles (gaz, charbon, nucléaire).

Comment persuader le marché d’accepter ces énergies, sachant que jusqu’à présent l’électricité n’est pas stockable et que chaque Kwh produit doit donc être vendu et utilisé ?

Comme le nucléaire dans les années 50, les nouvelles énergies – éolien et photovoltaïque – n’étaient pas compétitives par rapport aux énergies déjà installées, qui bénéficiaient d’infrastructures largement amorties. Il a donc fallu fixer des mécanismes de soutien, d’aide et d’incitation. Tous les pays ont tâtonné. L’Allemagne a testé l’aide aux investissements mais cela n’a pas marché. Elle s’est donc convertie à ce qui a fait le succès du Danemark dès les années 90 : l’aide à la production, c’est-à-dire le soutien aux revenus des producteurs, en achetant le kWh produit à un prix supérieur à celui du marché , ou prix garanti. Ce fut aussi le choix de la France, ou de la Wallonie, la Flandre ayant opté pour un système plus complexe de certificats verts.

 

Est-il si difficile d’affiner les subventions?

Le législateur a pris conscience du fait que le tarif doit baisser régulièrement. Même si ce n’est pas encore le cas partout, dans la plupart des pays d’Europe, le système de prix garantis ressemble désormais à un escalier. Chaque année, voire chaque trimestre, le prix descend d’une marche. Cela pousse les producteurs à rechercher en permanence les technologies les plus performantes… ou les moins chères. Dans certains pays, la différence de coût de production entre conventionnel et renouvelable s’est beaucoup réduite, au point de tendre vers zéro. Dans ces pays, on pourra supprimer les prix garantis. Le producteur pourra vendre directement au consommateur ou produire pour ses besoins propres. La baisse du coût du kWh issu du photovoltaïque, par exemple, devient favorable à la grande distribution, qui peut installer des panneaux solaires à grande échelle sur les toitures des supermarchés. On va ainsi voir apparaître des niches économiques nouvelles.

Le rapport aux prix de l’électricité est-il homogène en Europe?

Non, il existe de grosses différences. Les pays qui ont beaucoup misé sur le renouvelable ont accepté des coûts élevés. C’est le cas en Allemagne ou au Danemark. Le rapport aux prix dépend parfois de raisons extérieures au système énergétique. En Allemagne, par exemple, du fait du tassement démographique, l’immobilier est beaucoup moins cher qu’en France – pas de constructions de maison neuves, d’universités ou d’écoles – et donc l’augmentation rapide du prix de l’électricité est socialement acceptable. En outre, les Allemands se chauffent très peu à l’électricité. L’Allemagne pouvait donc s’offrir une électricité très chère, d’autant plus chère que pour ménager son industrie, une partie des entreprises sont exonérées du surcoût, celui-ci étant reporté sur les consommateurs domestiques. 

 

D'après Michel Cruciani, chargé de mission au Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières (CGEMP, Université Paris-Dauphine) dans la ParisTech Review du 24 avril 2015

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