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le 18-06-2015

L’expatriation séduit 69 % des élèves de prépas commerciales

L’expatriation séduit 69 % des élèves de prépas commerciales


Plus des deux tiers des élèves de classe préparatoire aux grandes écoles de commerce souhaitent quitter la France une fois leurs études achevées. C’est ce que révèle le baromètre 2015 de l’Edhec, dont Le Monde a eu connaissance, consacré aux rêves de ces jeunes souvent présentés comme les futures élites du pays.


« Sept élèves sur dix, c’est énorme, constate Manuelle Malot, qui dirige les études de l’école de gestion sur l’entrée dans la vie active des nouvelles générations. J’espère que cela ne sera pas la réalité. Mais ceux de l’an dernier exprimaient déjà le même état d’esprit. C’est donc une tendance lourde. » L’Edhec a demandé en mai à 2 250 élèves de deuxième année de prépa économique pourquoi ils souhaitaient partir. L’ouverture d’esprit le dispute à l’inquiétude : 95 % déclarent « une attirance particulière pour le pays » envisagé, et 80 % pensent que « les opportunités professionnelles seront plus intéressantes qu’en France ».


Cette nouvelle étude vient relancer une potentielle « fuite des cerveaux » qui agite le débat public depuis de nombreux mois. Fin 2013, selon une étude Harris interactive, 55 % des étudiants des meilleures grandes écoles du pays se disaient décidés à quitter le pays, et 24 % l’envisageaient. En janvier 2015, le baromètre Deloitte montrait que la part des diplômés de grande école qui situaient leur avenir professionnel à l’étranger avait progressé de 9 points en un an (de 31 % à 40 %). « Il existe un risque d’exil des talents », prévenait alors Jean-Marc Mickeler, directeur des ressources humaines de Deloitte. L’enquête indiquait que les candidats à l’expatriation craignaient de « ne pas trouver d’emploi en France ».

« On exporte une défiance »
« Ces chiffres sont très inquiétants, estime Eric Woerth, délégué général des Républicains, chargé du projet du mouvement. Ils montrent que les jeunes Français n’ont plus vraiment confiance dans notre pays. Alors que la France dispose d’un potentiel pour attirer les jeunes venus de l’étranger, on exporte les nôtres. Et on exporte une défiance. »


Mais une fois leurs études terminées, vont-ils vraiment sauter le pas ? La moyenne des diplômés de grandes écoles qui s’insèrent à l’étranger est de 23 % pour les manageurs et de 11 % pour les ingénieurs. A l’Edhec, le taux est de 44 %. Ils n’étaient que 18 % en 1999. Mais quinze ans plus tard, la moitié de la promo 1999 travaille à l’étranger… Chercheur au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp, Sciences Po), Pierre-Henri Bono a étudié le comportement des polytechniciens sur cinquante ans : en 2013, 15 % des polytechniciens âgés de 25 à 60 ans travaillaient à l’étranger. Ils étaient moins de 1 % en 1960.


Le phénomène s’accélère. Mais il demeure limité, assurent M. Bono et Etienne Wasmer, codirecteur du Liepp. Les deux économistes indiquent que le taux d’émigration des Français ayant un diplôme du supérieur s’élève à 4,5 %, un taux « très faible » par rapport aux autres pays. Et ces départs « sont largement compensés par l’immigration », précisent-ils. Le solde migratoire demeure donc « positif » et « largement bénéficiaire à la France ».
« Le seul argument qui porte, c’est l’entourage »
« Il est plutôt rassurant que ces jeunes aient envie d’avoir une expérience à l’étranger. Certains reviennent avec une expérience inégalée dont bénéficiera le pays », estime M. Wasmer. « La mondialisation des échanges est une réalité, rappelle Sandrine Javelaud pour le Medef. Cela multiplie les opportunités de développer ses compétences et son employabilité. »


La part des ingénieurs expatriés


« La part des élèves de prépa qui veulent partir est très impressionnante, reconnaît Mme Malot, mais il ne faut pas s’en émouvoir. Il faut s’émouvoir de ceux qui ne reviendront pas. » Là est l’enjeu, en effet. Mais sur ce point les données manquent. Selon l’association professionnelle Ingénieurs et scientifiques de France, la part des ingénieurs expatriés n’envisageant pas de revenir est passée de 33 % en 2005 à 38 % en 2013. Le baromètre Deloitte confirme l’attraction exercée par l’expatriation : sur 500 jeunes de 18 à 34 ans déjà installés à l’étranger, 65 % déclarent que là est désormais leur avenir. « La tentation de l’étranger peut être dangereuse, analysait M. Mickeler en janvier. Car, plus on est diplômé, plus on a des revenus élevés, et plus le retour en France devient compliqué. Le seul argument qui porte, c’est l’entourage. »


Le Medef estime qu’il faut « rendre les conditions du retour optimales, ce qui passe par la fiscalité ou l’accompagnement des projets ». « Il faut travailler ce sujet, recommande également Mme Malot, car je ne suis pas persuadée qu’ils vont revenir… Ceci dit, deux tiers de nos diplômés qui partent à l’étranger travaillent pour des entreprises françaises. »

 

Source Le Monde

 

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