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le 14-10-2015 : #bruxelles

Belgique : L’étudiant-entrepreneur, une révolution culturelle

Belgique : L’étudiant-entrepreneur, une révolution culturelle

Belgique : L’étudiant-entrepreneur, une révolution culturelle (lesoir.be, sep 2015)

L’UCL emboîte le pas à l’ULg. Un statut social et fiscal en préparation. L’importance d’impliquer des vrais entrepreneurs.

 

Gand vise les 350 étudiants-entrepreneurs

Pionnière en Belgique, l’Université de Gand lançait un statut d’étudiant-entrepreneur et des structures idoines en 2011. Une centaine de jeunes ont profité cette année de ce soutien spécifique, qui a déjà donné naissance à quelques beaux bébés : Jeroen de Wit et sa start-up Teamleader (logiciels CRM pour PME) a déjà levé 2,5 millions d’euros et s’attaque à Berlin, après Amsterdam. L’entreprise, en plein boom, emploie 25 personnes. Posios (logiciels pour point de vente, revendue au canadien LightSpeed) ou Endare (consultance) ont également pris un bon départ, sans attendre les diplômes. Le Professeur Koen De Bosschere, initiateur de l’écosystème gantois, table sur 350 étudiants-entrepreneurs en vitesse de croisière, soit 5 % de la population étudiante. L’université va progressivement rendre obligatoires des initiations à l’entrepreneuriat dans toutes ses facultés. Et elle a développé un test psychologique en ligne – www.hunchup.be – qui permet à tout étudiant de jauger ses aptitudes entrepreneuriales.

 

« Un enthousiasme communicatif »

Luc Pire, fondateur de la maison d’éditions éponyme, est l’un des sept « entrepreneurs en résidence » du VentureLab. Une mission qu’il dit assumer avec le plus grand plaisir, tellement l’enthousiasme des étudiants est communicatif. Ses 20 ans d’expérience comme entrepreneur dans le secteur marchand et autant dans le non-marchand en font évidemment un « sage » apprécié des jeunes entrepreneurs. « La gestion du temps est très importante quand on crée une entreprise. Tout est question de timing. Un projet peut être excellent. S’il arrive trop tôt, il est foutu. » Un autre besoin récurrent constaté par Luc Pire porte sur les pactes d’actionnaires. Comment juridiquement créer une confiance maximale entre associés ? « On n’évitera jamais tous les conflits, mais on peut prévenir bien des problèmes. J’aurais été heureux d’avoir de tels conseils à l’époque. »

Il ne faut pas attendre d’avoir un diplôme pour entreprendre. » Le point de vue est de plus en plus défendu et des patrons célèbres (Steve Jobs, Bill Gates…) l’ont brillamment démontré. En cette semaine de rentrée académique, les jeunes Wallons qui veulent combiner études supérieures et projet d’entreprise peuvent se réjouir : ils devraient se sentir davantage soutenus, alors qu’ils faisaient jusqu’ici figure d’extraterrestres.

Inauguré il y a un an, l’incubateur pour étudiants VentureLab, à Liège, fait en effet des émules, tout comme le statut d’étudiant-entrepreneur pour lequel l’ULg a fait œuvre de pionnier en Wallonie. A Louvain-la-Neuve, l’UCL vient d’annoncer qu’elle lançait un projet pilote de statut spécifique pour étudiants-entrepreneurs, limité dans un premier temps à 15 projets sélectionnés sur base d’un dossier. Un tel statut, proche de celui déjà accordé aux sportifs de haut niveau ou aux artistes, vise à faciliter la vie pratique de l’étudiant, en apportant notamment un peu de souplesse dans les horaires. « Ce statut met un peu d’huile dans les rouages et, surtout, il apporte une reconnaissance à l’étudiant en question, vis-à-vis des professeurs mais aussi de ses parents », souligne Bernard Surlemont, professeur d’entrepreneuriat à HEC-ULg et initiateur du VentureLab.

D’autres universités et hautes écoles devraient logiquement emboîter le pas, en attendant un cadre plus institutionnel. A cet égard, le ministre des Classes moyennes Willy Borsus nous a redit son intention de créer « un véritable statut d’étudiant entrepreneur », comme en France.

 

Cinq incubateurs étudiants

Un premier pas a été franchi avec l’attribution à l’AEI (Agence pour l’entreprise et innovation, ex-ASE) d’une mission de coordination de cinq « incubateurs étudiants », un dans chaque province wallonne. Une première enveloppe, modeste, de quelque 450.000 euros pour 2015-2016 a été allouée pour créer l’étincelle.

L’AEI a fait le choix à ce stade de soutenir des initiatives à Namur, à Charleroi (via des hautes écoles industrielles, plutôt qu’à Mons, donc), à Liège et à Louvain-la-Neuve. « L’objectif est de s’intégrer dans l’offre existante, pour proposer un accompagnement cohérent au public concerné », souligne Clarisse Ramakers, porte-parole de l’AEI. Pour Liège toutefois, aucun accord n’a pour l’heure été trouvé avec le VentureLab, largement financé par des partenaires privés. Question de susceptibilités ? Une première fausse note qui ne devrait pas durer…

Parmi ces nouveaux incubateurs pour étudiants, l’Yncubateur de Louvain-la-Neuve apparaît comme le plus avancé. Testé en toute discrétion depuis un an, avec 3 écoles (UCL bien sûr, mais aussi IAD et Ephec), il sort du bois dans les prochains jours avec l’objectif d’accueillir une dizaine de projets portés par des étudiants ou des jeunes diplômés.

Cet Yncubateur sera hébergé dans un premier temps au CEI (Centre d’entreprise et d’innovation) de Louvain-la-Neuve. Suivant l’exemple liégeois, l’incubateur mettra un point d’honneur à intégrer des « entrepreneurs en résidence », comprenez des patrons chevronnés, à l’écosystème étudiant. « Nous mettons l’accent sur la personnalité et la motivation de l’étudiant plutôt que sur la qualité intrinsèque du projet », fait remarquer Sophie Neu, chef de projet. Un projet semblable a également été récemment lancé à l’UCL Mons (le Student Start Lab).

La première expérience du VentureLab tend en tout cas à démontrer que la demande est là. Quatorze étudiants ont obtenu le statut lors de cette première année, tandis que 54 ont intégré le VentureLab (travaillant sur 35 projets). « Nous avons encore reçu 10 dossiers durant l’été », observe Bernard Surlemont.

 

Se brûler les ailes

Le risque chez certains étudiants de complètement délaisser les études au profit d’un projet sans lendemain est bien réel. Avec un garde-fou toutefois : « Le statut d’étudiant-entrepreneur à l’ULg n’est valable qu’un an, renouvelable après évaluation du projet. Et il est d’ailleurs déjà arrivé dans quelques cas que l’étudiant fasse marche arrière », souligne Bernard Surlemont. Il s’agit non seulement d’éviter du gaspillage d’énergie, mais aussi des pertes financières.

Même si, dans un premier temps, la réalité de l’étudiant-entrepreneur ne concernera sans doute que quelques dizaines de jeunes, ces nouvelles initiatives pour jeter des ponts concrets entre les mondes de l’enseignement et de l’entreprise sont déjà considérées par beaucoup comme une mini-révolution culturelle dans une Wallonie trop peu entrepreneuriale

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